« Il était une fois »
J’ai souvent entendu ma mère m’en parler, de ce tissu qui ne se trouve plus. Elle en parlait comme étant doux et très résistant. Elle disait que lorsqu’elle était enfant, tout le linge de lit était fait dans ce tissu. Que lavé et relavé, il ne bougeait pas. Elle me racontait aussi, qu’elle et ses soeurs portaient des robes de nuit dans ce tissu. Le fait qu’il soit léger et vaporeux était idéal l’été, lorsqu’il fait chaud en Turquie.
Bref, tout cela m’intriguait. Ce tissu s’appelle le Şile bezi (prononcé « chilé bézi »). Il peut se traduire par gaze de Şile. Şile est une ville du nord de la Turquie, au bord de la mer Noire. Fait à la main il y a encore quelques dizaines d’années, sa fabrication avait disparu au profit de machines dans la région indisutrielle de Denizli (dans le centre de la Turquie). Mais, disait-elle, ce n’est pas du tout la même chose que lorsque j’étais enfant.
Lorsque j’ai commencé à chercher des fournisseurs pour Maison Levantine, j’avais dans un coin de ma tête ce fameux tissu. Au hasard de mes recherches, je trouve un petit fabricant. Il semble faire du Şile bezi à Şile. C’est comme ça que je fais la connaissance de Yasemin. Dès nos premiers mots, je sens une affinité. Comme mes parents, elle est originaire de Izmir. Elle a travaillé dans un grand groupe pharmaceutique français et vient de prendre sa retraite (en Turquie la retraite pour une femme est bien plus jeune qu’en France). En recherche d’authenticité et l’envie d’entreprendre, elle a lancé avec sa fille Tuğce la fabrication traditionnelle du Şile bezi à Şile.
Elle a les mêmes souvenirs que ma mère, des robes et linges de son enfance. Elle vient de relancer la fabrication à l’aide de quelques derniers sachants qui possèdent encore des métiers à tisser. Grâce à une coopérative, le tissu est fabriqué de façon traditionnelle, confectionné et surtout brodé à la main avec un groupe de femme de village voisin. Elle me raconte alors la méthode de fabrication que je ne connaissais pas. Tout d’abord, le fil de coton naturel est tissé à la main sur des métiers à tisser. Une des contraintes pour la confection, c’est que ces métiers permettent de faire des bandes de tissu de 90 cm de large maximum. Une fois tissées, ces longues bandes de tissus vont être bouillies dans de grandes marmites avec de l’eau et de la farine. Ensuite, elles seront rincées dans l’eau de mer pour enfin être mis à sécher sur le sable. Toutes ces étapes vont rendre le tissu doux et vaporeux.
Les brodeuses
Une fois les pièces confectionnées, les brodeuses vont venir apporter la part créative et colorée des pièces. Entièrement réalisées à la main, les broderies vont dessiner des motifs, apporter une belle finition à une bordure, être colorées ou ton-sur ton. C’est la touche en plus qui va valoriser le tissu.
Pour le linge de lit Dora et Agnès, à partir d’un dessin sur papier, un prototype miniature a été réalisé par l’atelier pour valider les broderies, l’écart entre chaque élément, etc. J’ai profité de ce prototype pour lui faire passer des tests de qualité en le lavant à de multiples reprises pour valider que rien ne bouge.
Les coussins Jean, Edouard et François sont aussi fabriqués dans ce même atelier, avec le même soin. Le coussin François par exemple nécessite quelques étapes de pliage, nécessaires pour ce bel effet origami.
Les bordures et les jointures ne sont pas en reste, tout est joliment fini à la main par des bordures subtiles.
Même les petits pompons des attaches sont réalisés à la main. D’ailleurs, à l’atelier, elles sont contre les boutons ou zip, elles ont à cœur de réaliser tous les éléments à la main d’où ces petites cordelettes à pompons pour fermer les coussins.
C’est également dans cet atelier qu’ont été doublé les plaids Ariane avec du Şile bezi tout doux sur les couvertures anciennes brodées. Les couvertures ont été chiné et sont des pièces uniques. Elles étaient traditionnellement dans le trousseau d’une jeune fille pour son mariage. La couverture en laine était brodée d’un motif végétal propre à la jeune fille.
Elles
Depuis le début, je vous parle d’elles. Il n’y a que des femmes, de la couturière à la chef d’atelier. Elles travaillent sous forme de coopérative. Ce n’était pas un choix délibéré de ma part de travailler avec des femmes, mais le hasard des rencontres fait que je ne travaille qu’avec des femmes. Voici l’équipe qui a travaillé sur Dora, Agnès, François, Edouard et Jean.
PS :
Je vous partage le petit break de Yasemin et Berna, la chef d’atelier : Baklava et café turc pour reprendre des forces entre 2 Facetime de validation de broderie ?